Une découverte sensationnelle : une sainte Barbe…en devenir !
Etude stylistique et technique d’une sainte Barbe en pierre polychromée du second tiers du XVe siècle. Préambule d’une restauration.
Proposée à la vente en décembre dernier sous l’appellation « Sainte Barbe – XVIe-XVIIe siècle », cette sculpture a été acquise par un collectionneur privé et déposée en nos ateliers pour une étude préalable à un traitement de conservation-restauration.
Pesant 140 kilos et mesurant 135 centimètres de haut, cette sainte Barbe est sculptée dans un seul bloc de pierre calcaire jaunâtre de type « pierre d’Avesnes ». Ce type de pierre, très tendre, est particulièrement adapté à la sculpture en permettant un rendu minutieux des détails.
Aujourd’hui couverte par un épais surpeint néogothique et quelques anciennes restaurations disgracieuses, sainte Barbe n’offre plus qu’une apparence bien éloignée de ce qu’elle fut au moment de sa création.
L’étude préalable à la restauration va débuter dans les prochaines semaines, mais quelques observations au cœur des lacunes ont d’ores et déjà révélé la présence sur le manteau et les cheveux d’une polychromie sous-jacente composée d’une feuille d’or posée sur un bol d’Arménie de couleur brun rougeâtre. Aurait-on la chance d’avoir conservé la polychromie originale ? Encore un peu de patience et quelques heures d’études avant de trouver la réponse !
L’étude matérielle se fera d’abord par une observation de l’état de conservation de la pierre et de la polychromie. Cette première phase repère l’ensemble des altérations, en décrit les causes et pose un diagnostic. Ensuite, il reviendra à l’étude stratigraphique et topographique de relever l’ensemble des couches de polychromie qui recouvre la sculpture, d’en déterminer l’état de conservation, l’intérêt esthétique ou historique, mais également de déterminer si la polychromie d’origine est encore présente, son état de conservation ainsi que la faisabilité de son dégagement.
Outre la question de l’originalité de la polychromie, il y a également celle de la datation et de l’attribution à un milieu de production, un atelier ou mieux, à un sculpteur.
Bien que vendue comme étant du XVIe ou du XVIIe siècle, notre sainte Barbe se révèle bien vite d’une datation antérieure. En effet, comme la immédiatement remarqué Michel Lefftz (UNamur) avec qui nous collaborons régulièrement dans le cadre d’études technico-formelles d’œuvres sculptées, cette sculpture a été réalisée durant le second tiers du XVe siècle. La taille haute marquée par une ceinture qui souligne la poitrine et les plis du pan gauche du manteau qui forment une succession de plis brisés en polygones s’imbriquant les unes dans les autres sont autant de caractéristiques qui rappellent l’art du milieu du XVe siècle, notamment celui des Primitifs Flamands.
Mais qui se cache derrière la réalisation de notre saine Barbe ? L’étude stylistique se poursuivra en parallèle à la restauration. Quelques pistes se dégagent d’emblée, mais ici encore…patience et longueur de temps ! En l’absence de signature, l’historien de la sculpture médiévale ne peut progresser que par une analyse morphologique méthodique des éléments qui composent la composition, l’anatomie et le drapé en en comparant les résultats avec d’autres œuvres déjà attribuées tantôt à un atelier, tantôt à un sculpteur.
Bref, un certain nombre d’heures de travail en perspective et de belles découvertes à vous faire partager ! A suivre...