Le Christ d’Engis : un dégagement de polychromie pour une résurrection !

Le Christ d'Engis... dans l'attente d'une résurrection !

Défiguré par une polychromie épaisse aux tons discordants, le Christ d'Engis se trouve aujourd'hui dans un état bien éloigné de son apparence d'origine. Et pourtant, l'étude matérielle a permis de mettre en évidence la présence de nombreuses couches de polychromie sous-jacente. Cette étude matérielle s'est accompagnée d'une étude stylistique réalisée par le Professeur Michel Lefftz (UNamur) ; étude qui a permis très récemment d'attribuer ce Christ à Jean Pépin de Huy et non plus au Maître de La Gleize !

Cet article propose de présenter brièvement les conclusions de l'étude matérielle et invite à la réflexion de la conservation-restauration d'une sculpture en bois polychromé parvenue jusqu'à nous dans un état problématique. Que proposer aujourd'hui pour la sauvegarde d'une œuvre pourtant majeure du patrimoine mosan, restée (trop) longtemps dans l'oubli ?

Le Christ d'Engis (H. 193 cm).

ÉTUDE STYLISTIQUE ET TECHNIQUE D'UN CHRIST EN CROIX DES ALENTOURS DE 1300

Conservé depuis les années 1980 au sein des réserves du musée, le Christ d'Engis n'a jamais fait l'objet d'une étude scientifique ni d'une restauration. En revanche, son exposition à l'extérieur, à peine protégé par les murs de la chapelle, a engendré au fil des siècles l'application de nombreuses couches de couleur. La médiocre qualité de l'actuelle polychromie achevant de défigurer cette œuvre exceptionnelle de la sculpture mosane des alentours de 1300.

Détail de la tête du Christ.

Dans son état actuel, le Christ d'Engis ressemble plus à une sculpture en plâtre du XIXe siècle qu'à un chef-d'œuvre de l'art mosan des alentours de 1300. Ce qui est regrettable au vu de sa qualité, de sa rareté, mais également au vu de son importance dans le paysage mosan des premières années du XIVe siècle. En effet, les Christs mosans de cette qualité et de ces dimensions se comptent malheureusement aujourd'hui en petit nombre. D'autant que les recherches récentes - et toujours en cours - du Professeur Michel Lefftz tendent à attribuer ce Christ à Jean Pépin de Huy !

Que faire pour la sauvegarde d'une œuvre aujourd'hui dans un état aussi pitoyable ?L'étude préalable a démontré l'existence de plusieurs polychromies sous-jacentes intéressantes sur le plan historique et technique. La question est de savoir si un dégagement est possible et quel état de surface un dégagement révèlerait-il ?

En concertation avec un comité scientifique composé notamment d'Emmanuelle Mercier et de Myriam Serck-Dewaide (IRPA), il a été décidé de dégager deux fenêtres de grande taille en prenant pour référence la septième polychromie, datant vraisemblablement du XVIe siècle. C'est également le premier niveau esthétiquement intéressant et conservé dans des proportions suffisantes pour justifier un dégagement.

Les résultats sont très encourageants. La surface de la polychromie est de belle qualité, tout comme la surface du bois aux endroits lacunaires. Il faut préciser que ces dégagements sont réalisés au scalpel sous microscope binoculaire et demandent sinon de la patience et de la précision, mais surtout du temps. Ce qui affectent immédiatement le montant total d'une telle entreprise.

Par conséquent, vient ensuite l'étape la plus difficile...La recherche de fonds pour entreprendre une telle restauration.  Les candidatures auprès des Fondations soutenant la recherche et la conservation du patrimoine se font nombreuses ces dernières années ; allant de paire avec une restriction grandissante des subsides octroyés en la matière par les pouvoirs publics. Aussi, se surprend-on à rêver à la mise en place d'un "Tax-shelter du patrimoine" afin d'encourager fortement le mécénat et soulager quelque peu les Fondations qui aident depuis tant d'années à la sauvegarde de notre patrimoine.  Un soutien financier permettrait certainement au Christ d'Engis de sortir de ce tombeau formé par cette épaisse couche de peinture afin de ressusciter une seconde fois !

L'étude préalable a été subsidiée en janvier 2018 et janvier 2019 par la Fondation Catheline Périer - d'Ieteren. Qu'elle en soit ici sincèrement remerciée.

Dossier d'étude consultable ici : Dossier final

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